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Certaines entreprises adoptent la semaine de 4 jours. La semaine de cinq jours en question…
Une construction historique datée de l’ère industrielle
La semaine de cinq jours travaillés, de quoi s’agit-il véritablement ? Cette première interrogation, tant intrigante que fondamentale, vient révéler les dessous d’une tradition séculaire tenue pour naturelle puisqu’elle dure – et perdure – depuis le 19ème siècle. Propre à ce dernier, la semaine de travail de cinq jours n’est en réalité qu’une construction historique.
Dans ses mouvements d’industrialisation caractéristiques, le 19ème siècle voit naitre des méthodes de travail rigides – empreintes de modèles réglés et d’attentes hautement standardisées.
La semaine de cinq jours correspond donc d’abord à une logique de production uniforme, inflexible et hyper réglée. La question de son adéquation aux nouvelles attentes – tant en termes de travail qu’en termes de production – se pose : de fait, la semaine de cinq jours de travail est-elle toujours aussi actuelle que les pratiques des entreprises la laissent encore paraitre ? Le 21ème siècle, qui se marque d’individualités appelant de plus en plus de demandes spécifiques, n’éclaire-t-il pas l’obsolescence d’un modèle de travail finalement devenu caduque ?
La réflexion s’axe autour d’un miroir dont le tain ne reflète plus correctement la réalité : même si le contexte a largement changé (interconnexions permanentes, avancées technologiques d’ampleur, désintermédiation des entreprises et des industries…) les conditions de travail, pour leur part, n’ont finalement que peu évolué. Que faire alors d’une problématique qui apparait depuis quelques années : quid d’un travail dématérialisé, à distance, raccourci, voire d’un emploi du temps à la carte ? En particulier, la semaine des quatre jours est discutée, quoiqu’elle laisse encore certains points en suspens.
La semaine de quatre jours, de quoi parle-t-on ?
Si sa mise en débat semble avoir été lancée récemment, en réalité la semaine de quatre jours est réfléchie dès le début des années 1990. En revanche à l’époque, cette dernière l’est à la condition d’une baisse de salaire – équivalente à la somme due correspondant au jour non travaillé ; elle vise alors l’évitement de licenciements dans une logique de plan social. A ce titre, elle est par exemple mise en place par Volkswagen afin de garder l’ensemble de son personnel en 1993.
Pour la première fois inscrite à l’ordre du jour du Forum économique mondial de Davos en 2019 dans une optique de pleine conservation des salaires, la semaine de « quatre jours travaillés-cinq jours payés » a depuis été expérimentée dans plusieurs entreprises de pays différents. Aujourd’hui, elle se positionne en sujet d’actualité brûlant, dont les entreprises peinent encore à se saisir, mais que les gouvernements évoquent expressément. Et pour cause. Avec d’excellents résultats obtenus en Islande ou encore au Royaume-Uni par 70 entreprises de plus de 3 000 salariés de juillet à décembre 2022 (dont 90 % souhaitent conserver le modèle), c’est également Microsoft Japon qui observe sa productivité s’accroître de 40 % lors d’une semaine de test en août dernier – semaine pendant laquelle elle permet à ses salariés de ne travailler que quatre jours au lieu des cinq habituellement indiqués. Pour Ben Laker et Thomas Roulet dans l’Harvard Business Review, « les pays et les organisations qui seront les premiers à décrypter la semaine de quatre jours bénéficieront d’un avantage concurrentiel s’ils parviennent à l’instaurer en maximisant ses bienfaits à long terme sur le bien-être, tout en minimisant l’augmentation, à court terme, des coûts de la main-d’œuvre et de fonctionnement ».
Mais concrètement, comment instaurer une semaine de quatre jours travaillés, tout en gardant les salaires inchangés ?
Ce point ne représente-t-il pas un manque à gagner pour l’entreprise, forcé d’apparaitre tôt ou tard ? Et par ailleurs, même si la productivité est stable voire meilleure, n’existe-t-il pas un risque d’épuisement des salariés – stressés par quatre jours très intenses durant lesquels ils réalisent une activité régulièrement prévue sur cinq ?
Une étude publiée dans le journal The Economist aide à mieux comprendre les enjeux d’une telle mesure. Cette dernière montre qu’au cours d’une journée de travail de 8 heures, les salariés sont productifs et efficaces durant 2 heures et 30 minutes en moyenne. Selon ces conclusions, la semaine de quatre jours peut donc se réaliser de manière très optimale (tant en termes de rentabilité pour l’entreprise, qu’en termes de confort de travail pour les salariés). En effet lors d’une semaine de quatre jours et afin de maintenir sa productivité égale à celle qu’il atteint en cinq jours, un salarié doit seulement investir 38 minutes supplémentaires de pleine concentration par jour sur les quatre jours travaillés – passant ainsi de 2 heures et 30 minutes travaillées de façon concentrée et productive, à 3 heures et 8 minutes par jour. De cette manière, non seulement l’entreprise conserve sa pleine efficacité, mais également ses salariés ne souffrent pas de surmenage. Ils peuvent même avoir tendance à s’impliquer davantage et à se détendre, dans la mesure où leur temps de repos hebdomadaire s’avère, pour sa part, drastiquement plus long.
Des conseils concrets pour une bonne mise en pratique
A l’heure actuelle, les entreprises ayant adopté la semaine de 4 jours en France représentent des exceptions. On retiendra notamment l’exemple d’Accenture, qui s’illustre en la matière en rendant le télétravail possible et illimité, ainsi qu’en proposant une organisation libre des semaines sur quatre ou cinq jours – avec un programme flexible en fonction des semaines, au bon vouloir de ses salariés.
Avec le bénéfice qu’elle permet – celui de journées plus focus, moins éparpillées et plus investies par les salariés – la semaine de quatre jours s’apprête sans doute à être massivement discutée. Elle le sera d’autant plus que les attentes des nouveaux candidats à l’emploi évoluent : davantage axées sur le bien-être et l’équilibre entre-temps travaillé et temps libre, celles-ci appellent les entreprises à réfléchir plus longuement à ce type d’alternative au cours des prochains mois.
À ce titre, cet article amène quelques clefs de réflexion, suivies de conseils pratiques en la matière. Ces points permettront aux entreprises intéressées de se saisir du projet de la semaine de quatre jours de la façon la plus concrète et appliquée possible. Ainsi, on dénombre de nombreux avantages, et des inconvénients, à la semaine de 4 jours.
Ce qu'il faut garder à l'esprit
- Le modèle de la semaine de quatre jours est actuellement étudié par des chercheurs, qui testent sa validité et sa viabilité à long terme ;
- Ce modèle gagnerait être envisagé comme 80 % du temps total habituellement travaillé par le salarié, pour 100 % de sa productivité (ou plus – des études sont en cours) et 100 % de sa rémunération ;
- Il serait l’occasion d’un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, qui conduirait les salariés à être globalement plus épanouis et à évoluer dans une meilleure ambiance ;
- Il s’agirait également d’une solution de fidélisation des salariés, tout comme d’un atout majeur pour attirer de bons candidats en attente de ce type de rythme, ce qui en ferait un levier différenciant pour la gestion des ressources humaines, ainsi que pour le recrutement ;
- Les journées travaillées seraient plus concentrées et pourraient ainsi donner lieu à moins d’éparpillement ;
- Par ailleurs, la communication serait certainement ralentie, avec des temps non travaillés plus nombreux et des absences plus régulières.
En pratique
Le projet de la semaine de travail de 4 jours nécessiterait, afin de déployer son plein potentiel :
- Une organisation fonctionnelle très bien définie (même dans le cas d’une grande flexibilité comme c’est le cas pour l’entreprise de conseil Accenture), avec un roulement entre les salariés ;
- Un volume de tâches inchangé ;
- Des réunions plus courtes et moins fréquentes ;
- Une optimisation des temps des salariés, individuellement et collectivement, qui appelle une indispensable priorisation des tâches ;
- Des points de suivi réguliers ;
- De la solidarité, avec des dossiers qui s’échangent facilement et se reprennent en cours de traitement.
Travailler 4 jours par semaine : en conclusion
Finalement, pour les entreprises, 4 jours par semaine représentent un véritable défi : celui d’assurer un service client de cinq jours, tout en optant pour une semaine salariée plus courte.
Une telle semaine doit être pensée comme une réduction du temps de bureau. En effet, ses résultats les plus probants le sont lorsque le temps travaillé l’est à 80 %, quand bien même les tâches sont entièrement réalisées. Aux URSSAF de Picardie, où la proposition s’est matérialisée par un allongement des journées travaillées (travailler 35h sur 4 jours), la semaine de quatre jours a essuyé un échec cuisant. Par ailleurs, des temps réduits sur quatre jours de travail pour autant de productivité donnent, au contraire, de très bons résultats.
Dans les mois à venir, les quatre jours travaillés par semaine devraient être mis sur le devant de la scène et de plus en plus débattus. Alors, que vous ayez l’audace de les tester parmi les premiers, ou bien que vous préfériez attendre de plus solides confirmations à leur sujet, préparez-vous toutefois à entendre les échos retentissants de leurs clameurs !